Le C++ ? On pourrait croire qu’il appartient au passé… et pourtant ! Pas question ici de bouleverser ta vision ou de sortir un scoop techno. L’idée, c’est plutôt de jeter un regard honnête et sans filtre sur ce langage qu’on dit parfois dépassé, mais qui refuse de prendre sa retraite. En 2025, alors que JavaScript, Python ou Rust font la une, le C++ s’accroche, évolue et s’impose là où la performance et la maîtrise sont reines. Bref, il n’a pas dit son dernier mot — et il pourrait bien te surprendre !
Créé au début des années 1980 par Bjarne Stroustrup, le C++ a été pensé comme une extension du langage C, avec des fonctionnalités orientées objet. Depuis, le langage a connu de nombreuses évolutions et plusieurs révisions majeures de sa norme. La norme C++98 a posé les bases. C++11 a été une révolution, en introduisant des concepts modernes comme les lambdas, le “auto”, les pointeurs intelligents ou encore le multithreading natif.
Depuis une dizaine d’années, les nouvelles normes s’enchaînent à un rythme régulier de 2 à 3 ans : C++14, C++17, C++20, C++23 et bientôt C++26. Ce rythme soutenu témoigne d’une volonté claire : faire évoluer le langage sans renier ses fondations. Aujourd’hui, C++ se dote de fonctionnalités visant à simplifier le quotidien des développeurs : initialisation uniforme, concepts (typage contraint), modules, coroutines, ou encore l'intégration aisée avec des langages de plus haut niveau grâce aux bindings.
L’objectif est clair : maintenir la puissance et la performance du C++, tout en s’approchant de la simplicité et de l’ergonomie d’un langage comme Python.
Chaque année, plusieurs classements des langages de programmation les plus populaires font surface. Le rapport GitHub 2024 classe en tête JavaScript, Python, TypeScript, Java et C#. Le C++ figure souvent autour de la 6e place, alors que d’autres classements comme le classement TIOBE montre une tendance un peu différente :
Il faut donc relativiser ce type de classement. Ils mesurent la popularité globale, sans prendre en compte les spécificités des domaines d’application. Dans le développement web, JavaScript et Python dominent, tandis que dans les systèmes embarqués, les moteurs de jeu, les applications temps réel ou les logiciels critiques, le C++ reste une référence incontournable.
En clair, la question n’est pas "Quel langage est le plus populaire ?", mais "Quel langage est le plus adapté à mon besoin ?".
Rust est souvent présenté comme l’alternative moderne au C++. Il apporte des garanties de sécurité mémoire très solides grâce à son système de possession (ownership) et de prêts (borrowing), sans avoir recours à un garbage collector. Il séduit particulièrement dans les milieux soucieux de la sécurité.
Mais Rust n’a pas (encore) détrôné C++ pour plusieurs raisons :
Écosystème et compatibilité : des millions de lignes de code C++ en production qu’on ne peut pas "juste" réécrire.
Courbe d’apprentissage de Rust aussi raide : notamment à cause de son modèle de mémoire.
Outils matures mais encore jeunes comparés au C++.
Rust est un excellent langage, mais il ne s’agit pas d’un remplaçant universel du C++. Il est un compagnon ou un concurrent selon le contexte, mais pas encore un successeur.
C++ reste donc un langage de prédilection pour les raisons suivantes :
Performance : proche du matériel, le C++ permet une optimisation fine des ressources.
Contrôle : gestion explicite de la mémoire, pas de garbage collector.
Maturité et robustesse : 40 ans de pratique, une communauté expérimentée, et une immense base de code existante.
Écosystème riche : bibliothèques puissantes comme Boost, frameworks comme Qt ou Unreal Engine.
Mais soyons honnêtes : tout n’est pas rose non plus. Si le C++ reste un langage incontournable, il subsiste quelques inconvénients, qui expliquent en partie pourquoi certains cherchent à s’en détourner.
Complexité historique : Avec 40 ans d’évolution, le langage a accumulé des strates de fonctionnalités parfois redondantes ou piégeuses. Il existe souvent plusieurs manières de faire la même chose, pas toujours compatibles entre elles, ce qui peut dérouter les nouveaux venus.
Gestion manuelle de la mémoire : C’est à la fois une force (le contrôle) et une faiblesse. Une mauvaise gestion peut facilement conduire à des fuites, des corruptions mémoire ou des comportements indéterminés. Cela demande une vigilance constante, surtout dans les grands projets.
Temps de compilation longs : Même avec des outils modernes et des améliorations comme les modules, le temps de compilation du C++ reste une plaie sur certains projets complexes. Et on ne parle même pas du temps passé à lire les messages d’erreur de templates...
Manque de standardisation de certains outils modernes : Le langage évolue vite, mais tout l’écosystème ne suit pas forcément à la même vitesse. Tous les compilateurs ne supportent pas encore pleinement C++20 ou C++23, ce qui peut poser problème en production multi-plateformes.
Courbe d’apprentissage toujours raide : Même modernisé, le C++ reste un langage exigeant. La richesse de ses fonctionnalités, sa syntaxe parfois verbeuse et ses nombreux “pièges” en font un outil puissant mais difficile à maîtriser totalement.
Dans un article du Monde Informatique, la Maison Blanche appelle à se détourner des langages comme le C et le C++ pour des raisons de sécurité, au profit de langages "memory safe" comme Rust.
Certaines grandes entreprises technologiques — notamment aux États-Unis — lancent des programmes de migration. Néanmoins, cela reste très marginal au regard de l’inertie des systèmes en place, de la complexité des migrations, et de la solidité du langage. Il serait plus juste de parler de cohabitation que de remplacement.
Mais si certains titres alarmants annoncent la fin de C++, la réalité est bien plus nuancée. Derrière les déclarations politiques et les ambitions technologiques, le terrain raconte une autre histoire : celle d’un langage profondément ancré dans les infrastructures stratégiques du numérique.
Car malgré les critiques, le C++ est loin d’avoir disparu. Il continue d’alimenter les logiciels et les systèmes des plus grands noms de l’industrie. Des géants comme Microsoft, Adobe, Autodesk, Bloomberg, NVIDIA, ou encore Dassault Systèmes utilisent toujours massivement le C++ dans leurs produits phares.
Voici quelques exemples de domaines d’applications :
Systèmes embarqués : microcontrôleurs, IoT, automobile, aéronautique.
Jeux vidéo : Unreal Engine (C++), Unity (partiellement), moteurs maison.
Finance : trading haute fréquence, applications critiques en temps réel.
Logiciels industriels et scientifiques : simulation, calcul intensif (Ex: SUMO simulateur de trafic routier, GROMACS simulateur en dynamique moléculaire, SOFA simulateur physique / mécanique).
Navigateurs web : Chromium, Firefox contiennent d’énormes portions en C++.
Cloud et serveurs haute performance.
Sans oublier quelques bibliothèques ou frameworks populaires :
Qt : interface graphique multiplateforme,
Boost : bibliothèque standard officieuse,
OpenCV : traitement d’image,
TensorRT (NVIDIA) : accélération IA, Deep Learning,
ROS2 : robotique.
Oui, le C++ a la réputation d’être complexe, verbeux, parfois un peu “old school”. Mais ces dernières années, le langage a fait peau neuve. Si vous avez connu le C++ avant 2010, vous seriez probablement surpris de voir à quel point il s’est modernisé. Les dernières normes, notamment C++20 et C++23, ne sont pas juste des petits ajouts : ce sont de vraies avancées qui simplifient la vie des développeurs. Voici un petit florilège de nouveautés qui rendent le C++ beaucoup plus agréable à utiliser aujourd’hui :
Vous avez aimé async/await en JavaScript, C# ou Python ? Le C++ les a désormais aussi. Les coroutines permettent d’écrire du code asynchrone sans se prendre la tête avec les callbacks ou les threads manuels. C’est plus lisible, plus propre, et plus facile à maintenir.
Les templates en C++, c’était puissant mais illisible. Avec Concepts, on peut enfin poser des contraintes claires sur les types acceptés. Résultat : des messages d’erreur plus compréhensibles et un code plus intuitif. En gros, on écrit ce qu’on attend, et le compilateur fait le tri.
Si vous en avez marre des centaines de lignes d’#include et des temps de compilation à rallonge, les modules sont pour vous. Ils permettent de mieux organiser votre code, de le compiler plus vite, et de limiter les effets de bord. C’est une petite révolution dans la structure des projets C++.
Besoin de filtrer, transformer ou chaîner des opérations sur vos collections ? Les ranges apportent une syntaxe moderne et fluide. Finies les boucles for interminables, place à un style fonctionnel bien plus lisible.
Vous trouvez que les exceptions sont parfois lourdes, et que std::optional n’est pas assez explicite ? Voici std::expected, un moyen clair de gérer les erreurs sans crasher le programme ni embrouiller la logique. C’est un peu le "Result" de Rust, mais en version C++.
Des lambdas encore plus flexibles.
Des constexpr plus puissants (vous pouvez exécuter presque tout à la compilation).
Des opérations monadiques (and_then, transform) pour mieux travailler avec des types optionnels ou attendus.
Des améliorations pour la réflexion (le Graal pour ceux qui rêvent d’introspection de type à la compile).
Et en approche pour C++26+ : pattern matching, reflection complète, et des améliorations sur les modules.
Le C++ fête ses 40 ans cette année. Pour un langage informatique, c’est presque une éternité. Et pourtant, il est loin d’avoir pris sa retraite.
Ceux qui l’imaginent comme un dinosaure figé dans le passé se trompent lourdement. Grâce à un rythme de mise à jour régulier, une communauté active et une volonté assumée de se moderniser, le C++ a su évoluer sans se trahir. Ce n’est plus seulement le langage des systèmes embarqués ou des moteurs 3D : c’est aussi un langage qui adopte les coroutines, les ranges, les modules, et des concepts qui rendent le code plus lisible, plus propre, plus sûr.
Alors oui, ce n’est pas le langage le plus simple à apprendre. Il demande de la rigueur, une certaine discipline, et parfois un peu de sueur. Mais en échange, il offre une puissance inégalée, une liberté totale, et une proximité avec la machine que peu d’autres langages peuvent revendiquer.
Et surtout, il continue d’être massivement utilisé dans des domaines critiques : robotique, finance, jeux vidéo, IA embarquée, cloud haute performance… Bref, partout où les performances comptent.
En 2025, alors qu’on parle beaucoup de Rust, Python, ou JavaScript, le C++ reste un pilier du développement logiciel. Il rattrape son retard ergonomique, s’inspire du meilleur des autres langages, et prouve qu’on peut être à la fois ancien et pertinent.
Le C++ n’est pas mort. Il n’est même pas fatigué. Il est juste en pleine (re)définition !